Interview de Manu pour Le Chant du grillon 7 janvier 2009 No CommentAprès un album au titre éponyme qui, n’ayons pas peur des mots : nous a carrément mis sur le cul, il était de notre devoir d’activer la pêche aux infos. Le French Metal Band fut formé à Vitrolles par 2 frangins à l’âme plutôt Heavy. Puis ; après avoir constitué un Line Up qui tient la marée, ils nous proposent 3 minis skeuds. Mais attention, car leur écriture va bien au-delà du simple EP… j’entends par là, qu’ils instaurent une véritable intrigue à la manière « d’une collection de nouvelles » ayant pour but la découverte d’un Best Seller. Autant péter le suspens tout de suite, cette œuvre s’avère terrible, subversive et passionnante. En bref, le genre de missile qui réfute les bonnes consciences en terme de « ça passe quand ça casse », la preuve : Mindlag Project entre carrément dans notre rubrique « les incontournables 2009 » et y a pas photo ! Chers amis bonjour, alors chroniques élogieuses, unanimité Metallique et consécration musicale, soit la totale. Vous devez être super content ? Manu : Il est clair qu’il est toujours agréable de recevoir des éloges concernant sa musique, donc je mentirais si je disais le contraire. Cependant je pense que ce qui est primordial, c’est aussi d’avoir l’approbation du public, et même si nous commençons à nous faire connaître un peu plus grâce à cet album, nous avons encore pas mal de chemin à parcourir! Combien de temps, il vous a fallu pour accoucher de l’album ? Nous avons commencé à composer l’album fin 2006, juste après la sortie de notre maxi « De Charybde en scylla… » qui contient la chanson du même nom (qui est en fait une transition entre nos deux premiers maxis et l’album) ainsi qu’une chanson inédite et des titres live. D’ailleurs cette sortie fut une façon de faire patienter notre public avant l’album, car nous avions besoin de temps pour mettre le concept de l’album à plat, et pour affiner notre identité sonore, que nous n’avions pas pu assez travailler jusqu’alors, à notre goût. Pour te répondre clairement, nous avons mis un peu plus de 3 ans à réaliser cet album, avec des séances d’enregistrements s’étalant sur deux ans. A qui avez-vous confié un tel Son ? Comme à l’accoutumée nous avons confié la production à Christian Carvin, avec qui nous travaillons depuis 2002. Il a accompli un travail phénoménal ! Il a su nous écouter, et n’a pas hésité à changer ses méthodes de travail avec nous pour arriver au résultat que nous visions. Nous voulions une production beaucoup plus naturelle qu’auparavant, en bannissant par exemple l’utilisation du trigger pour la batterie, et d’une manière plus générale, de garder une dynamique naturelle, autant que notre style musical nous le permet, et de privilégier les contrastes. Comment avez-vous procédé : trame, texte et musique ou l’inverse ? Tout commence toujours par le concept général, c’est à dire l’esthétique et les notions philosophiques que nous voulons aborder. Ensuite nous nous concentrons sur le récit, pour essayer de faire en sorte que l’auditeur soit plongé dans l’histoire que nous lui contons, et qu’il ne perde pas de vue le fil conducteur de l’intrigue. La musique est inspirée des images que notre esprit crée quand nous pensons à ces histoires. Notre approche est très axée sur le ressenti, et ce qui nous importe, ce n’est pas de composer une chanson qui appartienne à un style défini, mais de jouer une musique qui correspond aux émotions que notre histoire contient de façon intrinsèque. En ce qui concerne le chant, généralement, les mélodies me viennent en même temps que je compose la musique. Parfois les paroles viennent directement, sans vraiment y réfléchir, et parfois cela demande un peu plus de travail. Je pense être assez proche de la « Beat generation » et plus généralement du surréalisme, au niveau de l’écriture, car j’aime bien me laisser guider par l’écriture automatique. Peut-être à cause de certaines de mes influences musicales et littéraires, comme David Bowie, ou William Burroughs. Par contre, certains texte plus travaillés au niveau de leurs structures sont plus proche de la poésie, et j’utilise en général la prose. L’univers sombre des textes est proche de celui qu’ont crée les poètes maudits tels que Baudelaire et Lautréamont, ou encore William Blake. Je pense que notre chant lexical est influencé par le romantisme d’une façon générale, et cela se ressent dans notre musique. Qu’est ce qui vous intéresse chez ce bon vieux Jon ? Haha bonne question… c’est surtout lui qui s’intéresse à nous ! Il nous impose de mettre son projet en musique, et vu ce qu’il est capable de faire, nous obéissons ! (rires) Plus sérieusement, ce personnage est intéressant car il possède toutes les caractéristiques de deux types de personnes perçus de façon antagonistes dans notre société, à savoir les serial killers, et les super héros. Etudier son psychisme nous permet de sonder une question aussi épineuse qu’existentielle : le rapport très controversé qui existe entre le bien est le mal. D’un côté, Jon est animé par un désir de justice, ce qui le rend assez sympathique ( à la manière des super héros), et de l’autre, c’est une machine à tuer, qui n’hésite pas à torturer et tuer ceux qu’il juge abjects, ce qui est bien sur impensable de cautionner dans notre société. C’est une analyse que l’on peut rapprocher du concept de « Surhomme » chez Nietzsche, car Jon semble se croire au dessus du système de valeurs morales établi. Ce que nous voulons aussi étudier, c’est l’attirance que les êtres humains peuvent avoir pour ce type de personnages. Je pense que l’homme tend à vouloir dépasser son statut d’être humain, et appréhender ce qui est bien ou mal peut alors s’avérer très complexe, et l’amener sur des terrains glissants. Le fait de s’exprimer à travers Jon est aussi une forme de catharsis pour nous, car nous pouvons en quelque sorte exorciser nos démons, et nous laisser aller à la folie à travers notre musique. Ce qui nous permet d’accéder à la sérénité en quelque sorte. Oui, vous ne rêvez pas, jouer du metal est une thérapie !!! (rires) Quel est le morceau qui vous a fait le plus transpirer et pourquoi ? Sans hésitation, je dirais Jon de Grimpclat. D’une part parce que c’est une chanson qui se devait d’être une sorte d’hymne ou de générique. Nous voulions que cette chanson soit à la hauteur du personnage, et qu’elle soit entêtante. J’avais une autre ligne de chant pour le refrain, avec les mêmes paroles, mais je n’étais pas satisfait du rendu. Après plusieurs tentative pour l’améliorer, j’ai décidé d’improviser, de laisser sortir l’émotion qui manquait à la chanson. Et cette prise fut la bonne ! Je suis satisfait de cette chanson, car tous les obstacles qui se sont mis en travers de nous n’ont fait que renforcer l’émotion qui devait transparaître. Mais j’avoue avoir frôler la crise de nerf… Chanté du Metal en Français, idée géniale ou juste obligatoire ? Je pense que c’est un choix comme un autre, et le fait de chanter en anglais ou en français n’est pas réellement important en soi je pense. Par le passé j’écrivais certains textes en anglais, car c’est une langue que j’adore. Mais je me suis rendu compte que, plus mon approche devenait poétique, plus j’étais limité par la langue de Shakespeare. Ce n’est pas une histoire de niveau linguistique, mais plutôt de ressenti. J’utilise les mots non pas pour leur pouvoir explicite, mais plutôt pour ce qu’ils recouvrent d’implicite, parfois par rapport à leur étymologie, parfois par rapport à leur aspect polysémique, et parfois même seulement pour leur sonorité. Quand on essaie de peindre avec les mots plutôt que de leur ordonner un sens précis, je pense qu’il est presque impossible de le faire autrement que dans sa langue maternelle… du moins, c’est mon cas. D’autres part, l’anglais est souvent utilisé pour conférer une certaine universalité à sa musique. Mais dans notre cas, cette universalité est plutôt exprimée à travers des symboles, du fait de l’utilisation de la mythologie par exemple. De même que vous n’hésitez pas à intégrer des instruments « inédits » (pour du Metal), des interludes, voire des arrangements classiques, là encore risque ou nécessité ? Je pense que c’est surtout car nous aimons la sonorité, le timbre de ces instruments. Nous recherchons toujours le contraste, et je pense que le fait d’utiliser des interludes plus calmes, et chargés d’une émotion différente, a pour effet de mettre en valeur les parties metal de notre musique. Le metal, à bien des égards au niveau de la composition, possède des similitudes avec la musique classique La clé de voûte de notre album réside dans l’utilisation de Leitmotiv (comme le faisait Wagner ou Prokofiev), et les cordes joue justement ce rôle dans notre musique. Nous avons exprimer différents concepts à l’aide de phrases musicales, et on les retrouve au gré des chansons, comme des réminiscences du passé de Jon. Cela sert de fil conducteur tout au long de l’histoire, et je pense que cela a contribué à la cohérence de l’album. Après l’écoute de votre album, je n’ai qu’une envie : celle de vous applaudir en Live. Alors, j’ai appris que vous étiez sollicités (Nantes, Tours, Marseille) en ce moment ? Une tournée pour 2010 ? Des prestations à l’étranger ? En effet, nous revenons d’une tournée d’un peu plus de 10 dates à travers la France, et ce fût une superbe expérience. Nous avons pu travailler une autre approche de notre musique, et se confronter au public, qui connaissait très souvent l’album. Je pense que nous avons réussi à retranscrire notre univers sur scène, même si nous devons encore peaufiner tout ça. Nous serons en tournée Européenne en 2010, pour quatorze dates, et nous allons travailler un maximum pour donner le meilleur de nous même. Nous pensons aussi a faire une autre tournée Française en 2010, pour explorer les salles dans lesquelles nous n’avons pas encore jouer, mais nous pensons aussi à notre prochain album, il faudra donc bien négocier notre emploi du temps ! Sur scène, vous allez mixer anciens et nouveaux titres ou plutôt vous concentrer qu’exclusivement sur Mindlag Project ? Sur la tournée Française, nous avons joué quelques anciens titres, car nous voulions faire le tour de nos anciens albums, pour contenter les fans qui ne nous avez jamais vu, et qui connaissaient les anciens albums, mais la playlist restait quand même cohérente. Dans le sud de la France, nous avons joué quelques fois l’album dans son intégralité et dans l’ordre, notamment pour la release party. C’est une expérience intéressante, mais nous ne pouvons pas toujours nous le permettre, car pour que le concept soit compris, il faut certaines conditions scéniques, sinon le public risque de mal digérer la chose… Cependant, je pense qu’à l’avenir nous allons plutôt nous concentrer sur ce premier album, car nous sommes plus en phase avec cette musique, ce qui est logique. Qu’elle est votre plus beau souvenir de tournée ? Sur cette tournée, nous avons eu pas mal de bons moments, mais je pense que nous avons vraiment tous aimé jouer à St Etienne, au Thunderbird Lounge. Ce fut la date la plus intimiste, mais nous avons été super bien accueilli par nos potes de Alvinella Pompejana et par le patron du pub (James, un californien qui vit en France depuis quelques années). Et nous avons mangé les meilleurs Kebab du monde, juste en face ! (rires) Nous avons adoré jouer à Paris aussi, car il y avait un bon public, et le fait de jouer dans la ville de Baudelaire, c’était vraiment fort pour nous. Nous avons aussi eu la chance d’ouvrir pour Gojira à Tours il y a quelques années, pour la tournée From mars to sirius, et musicalement parlant, je pense que ça reste à ce jour notre plus beau souvenir. Pour en revenir à l’album, comment Mindlag Project est abordé à l’étranger ? Notre musique semble être plus apprécié à l’étranger qu’en France, surtout aux Etat Unis. Nous recevons souvent des encouragements de la part des américains, mais cela reste sur Internet. Nous ne pouvons pas vraiment mesurer le potentiel de notre musique à l’étranger avant d’y avoir jouer, nous serons fixés après la tournée Européenne. Si nous le pouvons, nous essaierons de tourner aux Etats Unis, car notre promotion y est prise en charge par Streetcult, qui semble être un organisme très compétent, et nous avons donc déjà quelques contacts là-bas. De plus, vous développez aussi un aspect visuel. Vos vidéos sont superbes, j’en déduis que vous êtes des mordus de cinoche ? Merci pour le compliment, tu vises juste ! Je suis autant passionné par le cinéma que par la musique, et même notre façon de composer est très cinématographique. Il était donc logique que mon premier court-métrage soit au service du groupe. D’ailleurs la musique du film a été joué avec un piano et un violoncelle, par Romain et moi même. Nous avons revu les arrangements de certaines de nos chansons pour qu’elles soient en adéquation avec l’aspect expressionniste du film. Notre chanteur Mathieu, est lui aussi très féru de cinéma, et m’a d’ailleurs fait découvrir pas mal de choses, il a une très bonne culture dans ce domaine. Mais d’une manière générale, nous sommes tous amateurs de cinéma, à des degrés différents bien sur. Pendant le visionnage de Charybde en scylla, je suis resté scotché par votre travail. L’intrigue est surprenante, les personnages (costumes & jeux d’acteurs inclus) sont excellents. De plus, le grain est vraiment bien choisi, on imagine la somme de boulot pour ce court métrage, D’ailleurs, cela m’a fait pensé à Nekromantik pour la beauté morbide et bien sur à Murnau, d’ailleurs l’image de fin suggère un grand truc ! Vous pensez sérieusement à regrouper un max d’images pour un DVD ? Je suis content de voir que tu aies saisis ces références, car ce n’est pas le cas de tout le monde, j’en déduis donc que toi aussi tu es mordu de cinéma !! J’ai réalisé ce film avec mes collaborateurs de l’association Kathar6 (dont je suis le président), c’est à dire Marine, Elodie et Robin. Nous avons tous à peu près les mêmes influences, qui vont de l’expressionnisme allemand au cinéma asiatique, en passant par Lynch, Cronenberg, Carpenter ou encore Kubrick (d’ailleurs certains titres de l’album sont des clins d’oeils à ces réalisateurs) . Nous avons beaucoup travaillé sur l’image et sur les ambiances, ce qui ne fut pas toujours facile, car nous n’avions qu’un matériel rudimentaire (camera mini dv), et quelques lumières louées à la régie culturelle de notre région. Il faut saluer la performance des acteurs, qui sont tous amateurs, et qui ont acceptés le niveau d’exigence élevé qu’on leur a imposé, et ont travaillé dans des conditions parfois très difficiles (Marine, par exemple, est restée plus d’une heure allongée dans les escaliers la tête à l’envers dans une flaque de sang , pour nous permettre de capturer le plan que nous voulions) En ce qui concerne le dvd, je suis en train d’y réfléchir, et nous commençons a posséder pas mal de matériel vidéo pour sortir un dvd un tant soit peu fourni, mais il faut encore que nous filmions un de nos live en qualité professionnelle je pense. Perso, je suis très friand du son et de l’image, que pensez-vous des sorties « version collector » CD + DVD bonus ? Je pense que c’est l’avenir car le public semble être plus enclin à acheter ce type de support, au détriment des CDs. Nous réfléchissons déjà à notre première sortie DVD, mais nous voulons le faire bien. Je pense que tu ne seras pas déçu quand ça sortira! (rires) Vous êtes sensible à un beau package ? Bien sur, cela fait partie intégrante de l’album. J’aime aussi le fait de le réaliser soi même, pour que ce soit personnel. .Nous aimons bien l’idée « d’œuvre d’art totale » dont parlait Wagner, et de ne jours, grâce aux outils puissant dont nous disposons, cela devient possible. Mais bien entendu, cela demande du travail et de l’expérience, car le fait d’aborder une autre discipline que la sienne, est assez difficile de prime abord. Quels sont les films et disques ayant retenus votre attention cette année ? C’est assez difficile de répondre car pour parfaire ma culture, je regarde et écoute majoritairement des choses qui ne sont pas des nouveautés, mais je vais quand même essayer. Dans les albums récents que j’ai découvert, j’ai beaucoup aimé le dernier Enslaved, « Vertebrae », qui est un groupe qui nous influence depuis leur virage plus progressif. Bien sur, en tant que fan de Metallica devant l’éternel, j’ai beaucoup apprécié Death Magnetic, qui est heureusement bien supérieur au médiocre St Anger (et je suis gentil…) , même si ce n’est pas encore un retour intégral à la musique qui m’a fasciné chez eux par le passé. Affaire à suivre… Dans un style totalement différent, j’ai adoré le nouvel album de Charlotte Gainsbourg « IRM », que j’écoute beaucoup actuellement. Je suis très fan de son papa il faut dire… En ce qui concerne le cinéma, j’ai beaucoup aimé le dernier Terry Gilliam, « L’Imaginarium du Docteur Parnassus », qui ne faillit pas à sa réputation , avec un film très maîtrisé autant au niveau graphique de philosophique. « Antichrist » de Lars Von Trier m’a troublé, comme à peu près tous ses films… Et j’ai aussi beaucoup aimé « Inglorious Bastard », de Quentin Tarentino, qui maîtrise toujours autant les dialogues que la pellicule, et qui a eu l’intelligence de sortir un film dont le monde avait besoin je pense. J’ai aussi beaucoup aimé le cinéma asiatique, beaucoup plus prolixe que le cinéma occidental il me semble. « Je suis un Cyborg » de Park Chan Wook, est tout simplement génial. « Midnight meat train » qui est une adaptation d’une nouvelle de Clive Barker par Ryuhei Kitamura, est aussi très bien. Et d’une manière générale, tout ce qu’a fait Takashi Miike (il sort plus de dix films par ans, donc je ne peux pas les citer !!), et j’en oublie beaucoup…tant pis, ils n’avaient qu’a porter des noms qu’on puisse retenir !!! (rires) Et bien voilà, si vous souhaitez rajouter quelques choses, lâchez-vous ? Merci pour tes questions très pertinentes, j’ai pris du plaisir à y répondre. En vous remerciant pour cette interview, alors qu’est ce qu’on vous souhaite pour 2010 ? La santé avant tout, et puis de la réussite dans nos projets, ça ne serait pas de refus ! Merci à toi encore une fois, et longue vie au grillon ! Partager :FacebookXJ’aime ça :J’aime chargement…InterviewsPartager : Tweet ‹ Interview de Manu pour les Eternels Interview de Manu par Malicia pour French Metal ›